Prendre un bain de forêt
Quels sont les aspects logistiques à considérer ?
Des durées plus importantes (une journée, plusieurs jours) amènent a contrario des bénéfices plus profonds, qui s’ancrent durablement. L’avantage d’une immersion de plus d’une journée est que les participants vont faire l’expérience de la nuit. Ils vont également vivre les moments qui encadrent la nuit : le crépuscule, l’aube, l’aurore. Durant toutes ces heures inhabituelles, les ambiances (lumières, sons, température, humidité) et la faune changent radicalement, provoquant d’autres stimulations et d’autres émotions.
Que se passe-t-il selon les conditions météorologiques ?
Le bain de forêt peut se faire à n’importe quelle saison. Lorsque les conditions climatiques sont froides, humides, neigeuses, pluvieuses, ou caniculaires, l’ambiance est à chaque fois différente, et offre quelque chose de spécifique aux participants.
A titre d’information, en Colombie Britannique (Canada), où les hivers sont rudes, l’école Wolf [ii] reste ouverte, et a lieu en pleine forêt, trois jours par semaine, toute l’année. Les enfants vivent des invitations de type "sit-sport" (cf. paragraphe suivant) consistant à rester immobile au même endroit. Chacun va à « son » endroit tous les matins pendant une demi-heure pour se centrer et écouter ce qui est vivant à l’extérieur et à l’intérieur de soi avant de commencer la journée de classe. Et ce, même sous la neige ou une grosse pluie.
Il n’y a qu’une mauvaise condition : lorsqu’il y a tellement de vent que la sécurité est en jeu. Dans ce cas, la sortie est soit modifiée et déplacée vers un lieu abrité du vent, soit repoussée.
En Allemagne et aux Pays-Bas, on dit à propos des cyclistes et de la météo souvent maussade : « il n’y a pas de mauvaises conditions, il n’y a que des mauvais équipements » ! A charge pour les participants d’emmener le nécessaire pour ne pas être trop hors de leur zone de confort, et pour le guide d’être clair dans les consignes de préparation en amont.
Contrairement aux idées reçues, avoir froid ne fait pas tomber malade. C’est la manière dont on le gère (ou pas) qui peut avoir des effets délétères sur l’organisme [iii]. Avoir froid aux pieds, par exemple, permet d’être plus en contact de son corps et de se sentir plus vivant, même si ce n’est pas confortable. L’essentiel est de pouvoir les remettre au chaud à court terme.
Comment se déroule un bain de forêt ?
Tels que certifiés par l’ANFT (Association Nature and Forest Therapy), les bains de forêt suivent une trame standard, validée par des dizaines d’années et des milliers de bains de forêt d’expérience, avec des invitations « imposées » (dans le sens « figure imposée »).
Ces invitations sont destinées à créer ce fameux seuil de connexion et des espaces de liberté pour le guide, pour faire vivre une connexion avec la nature en fonction de l’humeur du groupe, des conditions du lieu, des conditions météo, et du temps disponible.
Quelques exemples d’invitations
Bien que ces processus doivent d’abord se vivre pour comprendre à quel point ils sont efficaces, nous tentons ici d’en décrire quelques-uns. Pour mémoire, il en existe plusieurs dizaines et chaque guide crée les siens. Une invitation doit être simple, ouverte et sensorielle pour être puissante.
Ce qu’il se passe en nous est la somme de nos ressentis corporels, de nos émotions et de nos pensées. Il y a toujours des pensées, et il y a toujours une place pour elles. Ces pensées, au même titre que les sensations et que les émotions, sont précieuses et nous renseignent sur l’endroit et ce qu’il nous fait. Nous aurions eu d’autres pensées à un autre endroit.
Tout bain de forêt « ANFT compatible » se termine par une cérémonie du thé.
Il s’agit d’une invitation solennelle, avec une dimension sacrée, basée sur la philosophie – simplifiée - de la cérémonie du thé japonaise traditionnelle, le Wabi-sabi.
L’intention est de permettre aux participants de rencontrer la forêt par le goût et de l’incorporer par la dégustation consciente d’une infusion faite avec des plantes du lieu, cueillies pendant le bain de forêt. Il s’agit de plantes évidemment 100% sûres (le guide est formé à les identifier sans aucun risque d’erreur) et souvent à vocation thérapeutique ou gourmande, ou les deux, pour joindre l’utile à l’agréable. Quelques exemples : l’aïl des ours, l’alliaire, le pissenlit, l’ortie, l’achillée, l’aubépine, le tilleul, le cynorrhodon…
Le bain de forêt se termine par cette cérémonie.
Les participants retournent ensuite dans leur vie quotidienne, c’est le moment de l’incorporation. Ils ramènent avec eux leur reconnexion à l’essentiel, et l’offrent autour d’eux au monde cadencé, qui en a bien besoin !
Par Serge Mang-Joubert
- Guide en sylvothérapie / facilitateur en forêt
Bibliographie / webographie :
i Cf. chapitre précédent de cette série
ii Cécile Faulhaber , Documentaire « L’Autre Connexion » - http://troisiemeoption.org
iii Pour creuser ce sujet, expérimenter un stage de yoga du froid (ou Toumo) (http://yoga.rabourdin.com).
Voir la page de Serge Mang-Joubert
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